La quête de la Toison d'or — État de l’élevage ovin en France au XVIIIe siècle (1.1.)

1.1. La qualité des laines, facteur déterminant de la production drapière :

Je sais, je sais. Vous vous interrogez : « Qu’est-ce que ce drap de laine dont elle nous parle ? ». C’est une très bonne question. J’en ai d’autres à vous proposer. Par exemple : en quoi la qualité et la finesse de la matière première qui compose le drap sont-elles d’importance cruciale ? Et pourquoi cette question préoccupe-t-elle tant les élites savantes comme l’entourage du roi de France dans la seconde moitié du XVIIIe siècle ?

Moulin à foulon automatique. Musée de Labastide-Rouairoux.

Le drap, selon la définition du Dictionnaire encyclopédique des textiles, est un tissu « Généralement toile ou sergé, d’aspect serré et feutré, au toucher moelleux dont les fils de chaîne et de trame sont peu visibles. C’est l’apprêt (foulage, tondage, lainage…) qui permet d’obtenir le toucher et le tombé du drap, ainsi que la qualité de la laine ou des mélanges de fibres utilisés pour sa fabrication. ». (1)

Cela ne paraît donc pas évident au premier abord, mais un drap qui vient d’être tissé n’est pas encore achevé lorsqu’on le fait « tomber » du métier. Le tissage, ce n’est que l’étape qui permet la création de l’étoffe par l’entrecroisement de fils verticaux (chaîne) avec un fil horizontal (trame). Mais, si le tissu n’est pas retravaillé, il laissera apparaître les espaces entre ces différents fils croisés. Or, un drap doit être uni et solide, car il est utilisé en habillement et en ameublement pour la fabrication de pièces isolantes, comme les manteaux des soldats des armées européennes !

Alors, pour resserrer les fils du tissu et obtenir l’effet feutré qui viendra homogénéiser l’ensemble, rendant les fils invisibles, le drap doit être « ennoblit » par plusieurs manoeuvres. La principale est le foulage (ou foulonnage) : le drap va être frotté soit manuellement, soit mécaniquement sur lui-même, généralement en milieu aqueux et savonneux. Comme pour faire du feutre, eh oui ! (2)

Laineuse. Musée de Labastide-Rouairoux.

Le foulage est une étape qui requière une connaissance parfaite des fibres qui composent le tissu, et un grand savoir-faire. Mais, pour qu’elle aboutisse, il est aussi capital que la matière première, la laine, soit adaptée aux conditions de la production. Le fil doit être suffisamment solide pour ne pas se rompre sous la tension du métier à tisser, et assez souple pour donner son drapé au tissu fini. La fibre dont il est issu doit être relativement courte pour mieux s’emmêler et se resserrer lors du foulage, et plus elle sera fine en diamètre, plus l’étoffe finale tombera élégamment sans affecter l’épaisseur du tissu. Vous comprendrez donc que toutes les fibres ne sont pas idéales à la fabrication des draps, et que plus elles correspondront à ces critères, plus l’étoffe finale sera qualitative ! (3)

Et fort justement, à la mi-XVIIIe siècle, l’opinion générale est que les laines des moutons de France ne sont ni assez fines, ni assez qualitatives, ni produites en quantités suffisantes pour fournir les 4 800 000 livres de laines lavées requises par les ateliers français pour fournir les consommateurs du royaume. (4)

Qu’est-ce qui justifie cette opinion ?

C’est ce que nous explorerons ensemble dans les prochains articles de La quête de la Toison d’or !

Bibliographie :

1. Maggy BAUM, Chantal BOYELDIEU (dir.), « drap n.m. », Dictionnaire encyclopédique des textiles, Eyrolles, Paris, 2018, 672 p., p. 218.

2. Nicolas POUPINEL, « Foulage », ATELIER Laines d’Europe n° 14, mai 1999, 16 p., p. 7.

3. ANON., « L'alchimie du drap de laine, ou comment faire un drap de laine imperméable, assez épais et de couleur foncée ? », ATELIER Laines d’Europe n° 14, mai 1999, 16 p., p. 8.

4. André DUBUC, « Un Rouennais acheteur de laines en Espagne et dans le Berry en 1791 », Actes du 94e Congrès national des sociétés savantes — Pau, 1969 — Section d'histoire moderne et contemporaine — Tome 1 — Les relations franco-hispaniques, Bibliothèque Nationale, Paris, 1971, 509 p., p. 166. ASSOCIATION DES ANCIENS ÉLÈVES DE LA BERGERIE NATIONALE ET DE L'ÉCOLE NATIONALE D'ÉLEVAGE OVIN, La Bergerie Nationale de Rambouillet, Histoire du Mérinos et d’une École, 1786-1986, Dijon, 1986, 150 p., p. 11.